Le pape appelle l’Europe à « redevenir une communauté » Enregistrer au format PDF

Jeudi 30 novembre 2017
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Devant les participants à un dialogue sur l’Europe organisé au Vatican par les évêques de l’Union européenne, le pape a une nouvelle fois développé samedi sa vision du continent. Il a notamment souligné l’importance d’un projet européen qui prenne soin de la personne et de la communauté.

Il paraîtrait que le pape argentin ne s’intéresserait pas à l’Europe. C’est pourtant le cinquième grand discours en trois ans que François a adressé au continent européen samedi après-midi devant un aréopage de responsables politiques, religieux, universitaires et de la société civile. Et, une fois encore, il a tenté de redonner souffle à la construction européenne, décrivant une Europe solidaire fondée sur deux piliers hérités du christianisme : la personne et la communauté (lire ci-dessous). La rencontre que François était venu clore avait été organisée par la Commission des épiscopats de l’Union européenne (Comece) et la Secrétairerie d’État du Saint-Siège pour « repenser l’Europe », 60 ans après les traités de Rome. Un dialogue où, pendant deux jours, eurodéputés, parlementaires nationaux, ministres, responsables de la Commission et du Parlement, ambassadeurs, chercheurs, évêques et cardinaux ont pu se parler, eux que les débats sur l’Europe avaient parfois éloignés les uns des autres… Samedi matin, les échanges en groupes linguistiques ont ainsi souligné le fossé qui se creuse entre Est et Ouest, notamment sur les questions sociétales. Dans son long discours, François n’a pas éludé ces difficultés, soulignant que le mot de communauté, choisi par les pères fondateurs, était « le plus grand antidote contre les individualismes qui caractérisent notre temps ». « On comprend mal le concept de liberté, en l’interprétant presque comme s’il s’agissait du devoir d’être seuls, affranchis de tout lien, et par conséquent on a construit une société déracinée, privée du sens d’appartenance et d’héritage », a-t-il estimé.

Mais avec cette intervention, le pape a surtout voulu insuffler un nouvel élan à une Europe décrite comme un « lieu de dialogue » plutôt que celui des « hurlements des revendications » où « le bien commun n’est plus l’objectif primaire », ce qui offre un «  terrain fertile  » aux « formations extrémistes et populistes qui font de la protestation le cœur de leur message politique, sans toutefois offrir l’alternative d’un projet politique constructif ».

Il a ajouté : « Une Union européenne qui, en affrontant ses crises, ne redécouvrirait pas le sens d’être une unique communauté qui se soutient et s’aide – et non un ensemble de petits groupes d’intérêt – perdrait non seulement l’un des défis les plus importants de son histoire, mais aussi l’une des plus grandes opportunités pour son avenir. » Le pape François est aussi revenu sur la question des migrants, selon lui « une ressource plus qu’un poids »  pour le continent.

Revenant sur ce qui avait fait tant de bruit en 2014 à Strasbourg, quand il avait comparé l’Union à une « grand-mère » fatiguée, le pape a précisé que cette « stérilité »  de l’Europe n’est pas uniquement le fait de « l’hiver démographique » et de l’avortement, mais surtout d’un «  conflit des générations sans précédent » depuis les années 1960 : « À la tradition, on a préféré la trahison. » « On s’est découverts incapables de transmettre aux jeunes les instruments matériels et culturels pour affronter l’avenir », a-t-il insisté, regrettant que l’Europe vive « une sorte de déficit de mémoire ». « Redevenir une communauté solidaire signifie redécouvrir la valeur de son propre passé, pour enrichir le présent et transmettre à la postérité un avenir d’espérance. » Cette question de l’éducation est revenue régulièrement dans les débats.

« Après un tel discours, on ne peut pas simplement applaudir et repartir », reconnaît l’ancien premier ministre italien Enrico Letta. Pour celui qui préside aujourd’hui l’Institut Jacques-Delors, « il faut aujourd’hui à l’Europe des politiques migratoires différentes, des politiques de solidarités différentes ». « La réflexion n’est pas terminée, nous avons encore un gros travail à faire, mais il était bien que des chrétiens prennent l’initiative d’un tel débat »,  assure de son côté Mairead McGuinness, vice-présidente du Parlement européen.

Rome, envoyé spécial permanent de la Croix Nicolas Senèze

La Croix 30 octobre 2017

Voir également http://fr.radiovaticana.va/news/2017/10/27/repenser_leurope_un_colloque_de_deux_jours_au_vatican_/1345532

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