« Opposer un petit supplément d’amour et de bonté à conquérir sur nous-mêmes »
« Oui la détresse est grande, et pourtant il m’arrive souvent, le soir, quand le jour écoulé a sombré derrière moi dans les profondeurs, de longer d’un pas souple les barbelés, et toujours je sens monter en mon cœur – je n’y puis rien, c’est ainsi, cela vient d’une force élémentaire – la même incantation : la vie est une chose merveilleuse et grande. Après la guerre, nous aurons à construire un monde entièrement nouveau, et, à chaque nouvelle exaction, à chaque nouvelle cruauté, nous devrons opposer un petit supplément d’amour et de bonté à conquérir sur nous-mêmes. Nous avons le droit de souffrir mais non de succomber à la souffrance. Et si nous survivons à cette époque indemnes de corps et d’âme, d’âme surtout, sans amertume, sans haine, nous aurons aussi notre mot à dire après la guerre. »
Extrait d’ Une vie bouleversée , suivi de Lettres de Westerbork. Journal 1941-1943, d’Etty Hillesum (Points, 361 p., 21 €).
Source La Croix 18 décembre 2015