A la mi-temps du synode diocésain, les Mouvements d’action catholique du diocèse de Saint-Brieuc se sont retrouvés autour du thème « Cultiver l’espérance au cœur des réalités humaines », le 8 octobre dernier à la salle Saint-Matthias (église Saint-Yves, Saint-Brieuc) en présence de Mgr Denis Moutel.
Des réalités du travail diverses
« Cette année, le diocèse est en synode, en marche, en action. Nous avions envie de faire une journée d’échange, de débat et de rencontre autour des réalités du travail », a pris la parole Annabelle, membre du MRJC (Mouvement rural de jeunesse chrétienne) des Côtes d’Armor, en introduction au temps-fort. S’en est suivi l’intervention d’Hervé, membre du CMR (Chrétiens en monde rural) qui a dénoncé la crise agricole actuelle. « En janvier prochain, cela fera déjà deux ans que nous la subissons. Il faut faire vivre l’outil de travail face à un gain d’argent pas suffisamment élevé », a-t-il souligné. « La crise du lait a des répercussions sur la viande. Les cours de la viande vont s’effondrer à leur tour. Pourtant, il faut garder espoir même si l’horizon est bouché. Cette crise nous ronge de l’intérieur, elle nous épuise mentalement. Le monde rural va changer, notamment sur l’installation des jeunes agriculteurs. » Ces propos font écho à ceux de Marie-Annick, également membre du CMR. Elle se dit « contente de pouvoir assurer la transmission aux jeunes générations » mais porte en elle la « peur de les voir avec autant de travail sur le dos ». « Nous ne prenons peu, voire pas du tout, de vacances. La PAC (Politique Agricole Commune) nous impose de plus en plus de directives », a-t-elle rappelé, presque désabusée.
« Les élus ont leur mot à dire »
Annie, membre du CMR dans les Côtes d’Armor a voulu faire passer un message fort aux Costarmoricains venus écouter le message des Mouvements d’action catholique présents. « L’agriculture est l’affaire de tous, pas seulement des agriculteurs. C’est de notre santé et de notre avenir qu’il s’agit », a-t-elle martelé. « Les élus ont leur mot à dire aussi bien sur la restauration collective que sur le foncier. Le CMR veut une mise en dialogue et avoir une position active auprès d’associations engagées sur le terrain. » Pour Annie, « nous devons lutter contre le gigantisme et revenir au local au travers d’exploitations agricoles à taille humaine. Le défi est de provoquer la parole et la prise de conscience afin d’enclencher un changement ». Dans un temps d’échange proposé par les organisateurs, Annette – engagée sur la paroisse de Saint-Brieuc – a souligné que des « petits producteurs avaient fait le choix de la qualité en s’implantant sur des territoires où il est possible de développer une activité viable. Les agriculteurs de produits écologiques ont un vrai engagement de vie en choisissant un modèle parallèle à l’agriculture industrielle ».
Redonner goût à l’Évangile
Mélina, jeune bretonne membre du MRJC sur le diocèse de Saint-Brieuc, a également pris la parole pour témoigner de son engagement. « Le Mouvement rural de jeunesse chrétienne m’a permis une ouverture sociale. J’ai des parents agriculteurs qui ont une activité très prenante. Intégrer le MRJC m’a permis de passer le BAFA, par exemple », explique-t-elle. « Ça m’a également aidé dans mon développement personnel, d’aller vers les autres. Cet engagement est arrivé au bon moment, cela m’a permis de me lancer dans une nouvelle voie et d’évoluer dans ma foi personnelle. » Hélène, quant à elle, est revenue sur son activité au sein de l’ACE (Action catholique des enfants). « Je propose des ateliers aux enfants non baptisés et non catéchisés. Il est urgent que les mamans se lèvent pour reprendre le flambeau. Depuis 2-3 ans, je propose d’apprendre la cuisine aux enfants. Certains sont issus de milieux défavorisés. Quand ils réussissent quelque chose, ils sont fiers de le ramener à la maison. Notre projet tourne autour de la solidarité », souligne-t-elle. « Depuis 4-5 ans, on organise une messe de Noël. Comment favoriser l’éveil à la foi de ces enfants ? Les parents ont autant besoin d’être catéchisés que leurs enfants. Il faut qu’on redonne goût à l’Evangile. Osons dire notre foi ! »
« Il n’y a pas de sous-métier »
Au terme des prises de parole des différents Mouvements d’action catholique, ce fut à Marie-Jeanne, ouvrière syndiquée de la COOPERL de venir témoigner de son quotidien. « Je travaille à la COOPERL depuis 27 ans sur les chaînes de conditionnement. J’avais besoin de travaillé ; il n’y a pas de sous-métier. Quand j’ai commencé à militer, j’ai d’abord observé car on ne m’avait jamais parlé de syndicalisme ». Une de ses premières requêtes fut de demander des blousons contre le froid car les ouvriers travaillaient à -4°C, demande qui n’a pas été toujours bien compris par la Direction.« A l’abattage, il y a des postes très difficiles. Imagineriez-vous travailler un instant dans ces conditions de travail ? ». Sans se plaindre, Marie-Jeanne a expliqué comment les cadences de travail ont été augmentées, impensable vu celles déjà existantes. Suite à un refus de la Direction d’augmenter les salaires, les ouvriers ont finalement pris la décision de se mettre en grève durant douze jours ; douze jours où ils ont subi « une pression énorme », comme l’affirme Marie-Jeanne. Celle-ci préfère se rappeler du « lien humain formidable » qui a alors existé. « Des habitants de Lamballe sont venus nous apporter du café. Des éleveurs nous ont dit ‘Ne lâchez rien !’. Qu’est-ce qui doit primer ? La cadence ou l’humain ? Sans réfléchir, je vous réponds l’humain. »
Regard du père Armand Guézingar
En fin de journée, ce fut au Père Armand Guézingar (diocèse de Quimper) de donner son analyse sur la situation actuelle. « Le pape François est un pape qui souhaite nous rappeler à quel point la réalité du monde ressemble peu à ce que nous pouvons espérer. Il nous dit que la réalité se perçoit mieux à partir de la périphérie : il ne se désintéresse pas des riches mais dit n’avoir qu’une vision partielle de la vie », observe le père Armand Guézingar. « Le pape François est marqué par de profondes injustices et a appelé à coordonner nos moyens. Avoir une terre, un toit et un travail est de l’ordre du droit sacré. Il fustige la société de consommation qui résulte d’une culture du déchet. L’être humain ne peut pas être comme un bien jetable. » Le père Armand Guézingard a rappelé que 3,5 milliards des personnes les plus pauvres de la planète (soit la moitié de la population mondiale parmi les plus pauvres) équivalent aux 85 personnes les plus riches dans le monde. « On aurait tendance à considérer l’économie comme une fin, un but, un objectif en lui-même. Mais l’économie est un moyen, pas une fin ! L’économie doit être une économie de service et non d’exclusion où tout serait régit par l’aspect financier. Cette économie tue. La paix ne se construit pas seulement sur les Droits de l’Homme mais aussi sur les Droits des peuples. »
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