Et si l’incendie de Notre Dame nous disait aussi quelque chose d’essentiel sur le feu qui ravage notre Église ? Enregistrer au format PDF

Jeudi 18 avril 2019
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Lundi devant les images terribles retransmises par toutes les télévisions, je n’ai pas trouvé la force d’écrire autre chose, sur les réseaux sociaux, que ces quelques mots : « Notre Dame en feu. Je reste sans voix. Et les larmes qui me viennent aux yeux me disent que nous pleurons aussi un peu sur nous-mêmes. Sur notre pays que nous ne sommes plus sûrs de savoir aimer. Que Dieu nous garde ! »

Faire une relecture spirituelle de ce que nous avons vécu au cours de cette nuit

Dans les heures qui ont suivi, des choses fortes ont été dites et écrites, ici et là, qu’il faudra savoir relire. Aujourd’hui, comment ne pas être tenté de faire une relecture spirituelle de ce que nous avons vécu, en secrète communion les uns avec les autres, au cours de cette nuit où nous avons craint un instant que les tours de Notre Dame puissent disparaître après la flèche engloutie dans les entrailles de la cathédrale ? Une relecture à faire en lien avec la crise sans précédent que traverse l’Église catholique, y compris dans notre pays !

Et si l’attachement des Français à Notre Dame, qu’ils ont ressenti et peut-être découvert ce soir-là au fond d’eux-mêmes, dans l’angoisse de sa possible disparition, leur avait révélé, tout aussi enfoui, aussi inavouable, un secret attachement à l’Église qui, pour beaucoup, fait partie de leur patrimoine intime. Même s’ils ont pu, depuis, prendre leurs distances avec elle, pour des raisons qui ne sont pas toutes illégitimes !

Et si la peur de voir s’effondrer les tours de Notre Dame, avait nourri, en eux, la peur mimétique de voir l’Église disparaître du paysage Français ? Pour les deux mêmes types de raisons : parce qu’aux yeux de certains elle structure notre identité nationale indépendamment même de toute référence explicitement religieuse : parce que, pour d’autres, elle reste porteuse de sens, de transcendance, d’espérance, dans un monde tenté par le nihilisme !

Et si, pour les chrétiens, la chute de la tour nord et celle de la tour sud auraient pu représenter aussi, potentiellement et symboliquement, l’effondrement des deux piliers de notre Église : Pierre et Paul. L’apôtre qui convertit les “déjà croyants“ à la nouveauté radicale de l’Évangile et celui qui va porter la Parole aux périphéries du monde ? Et si la chute des deux tours avait eu pour effet de faire taire à jamais les cloches de Notre Dame, ces messagères du Ciel, rendant la ville à la seule rumeur du quotidien !

Nous méritons mieux qu’une reconstruction à l’identique

« Nous allons reconstruire Notre Dame » s’est engagé le Président de la République. Et déjà les producteurs de bois font savoir qu’ils offrent 1300 chênes pour reboiser le toit de la cathédrale… à l’identique ! Tandis qu’un prêtre plaide dans la Croix que “Notre Dame mérite mieux que cela“. Que la charpente pourrait être faite d’un tout autre matériau et la flèche, qui ne datait jamais que du XIXe siècle, être remplacée à la hauteur de l’autel, par un puits de lumière…

Notre Église est en feu, sous l’accumulation des scandales. Et nous voyons, pareillement, s’opposer les tenants d’une reconstruction institutionnelle à l’identique, au nom de la fidélité à l’Église de toujours… et ceux qui considèrent qu’elle « mérite mieux » que cela, que certains ajouts des siècles, qui s’effondrent devant nous emportés par le brasier, ne doivent pas être remplacés en tant que tels et qu’ouvrir un puits de lumière pourrait être une manière de rebâtir notre Église pour le monde qui vient !

Dans L’œuvre au noir, Marguerite Yourcenar fait dire au prieur : « Peut-être (Dieu) n’est-il, dans nos mains, qu’une petite flamme qu’il dépend de nous d’alimenter et de ne pas laisser éteindre (…) Combien de malheureux qu’indigne la notion de son omnipotence accourraient du fond de leur détresse, si on leur demandait de venir en aide à la faiblesse de Dieu ! »
Transposons : « Peut-être (l’Eglise) n’est-elle, dans nos mains, qu’une petite flamme qu’il dépend de nous d’alimenter et de ne pas laisser éteindre (…) Combien de malheureux qu’indigne la notion de son omnipotence accourraient du fond de leur détresse, si on leur demandait de venir en aide à sa faiblesse ! »
Peut-être y sommes nous ! Grâce à Dieu ! Grâce à l’incendie de Notre Dame ?

René Poujol

Journaliste et Blogueur

Source : Cath’lib blog de René Poujol

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