Chanter la prière Enregistrer au format PDF

Mardi 6 novembre 2018
0 vote

Chaque dimanche, l’assemblée chante, l’orgue chante, la chorale chante, le célébrant chante. Et c’est toute l’assemblée réunie qui devient louange.

Pourquoi le chant et la musique tiennent-ils une telle place dans notre liturgie alors qu’une préface dit à Dieu : « Tu n’as pas besoin de notre louange… Nos chants n’ajoutent rien à ce que Tu es » (4° préface commune). C’est vrai. On ne peut que le constater : pour célébrer la messe et les sacrements, le chant et la musique ne sont pas nécessaires. La réalité sacramentelle n’a besoin ni de l’un, ni de l’autre.

Si le chant et la musique n’ajoutent rien à la grandeur de Dieu, ni au don de sa grâce, ils en favorisent l’accueil. Le croyant n’est pas un être éthéré dont la foi ne serait qu’intellectuelle. Depuis l’Incarnation, c’est l’être tout entier qui est appelé à la foi. Pour entrer en conversation avec l’homme et lui donner sa grâce, Dieu se sert de nos sens comme autant de portes d’accès à sa sainteté. Le chant et la musique participent donc très largement à la construction de notre identité croyante parce qu’ils développent, chacun à sa manière, les grandes postures de la foi que sont la supplication, l’action de grâce, la louange, la proclamation, la vénération, la prière intérieure, l’exultation. De dimanche en dimanche, l’orgue et les instruments, pour la part qui leur est propre, conduisent les fidèles au silence intérieur qui permet d’entendre la Parole. Le chant de l’assemblée, dont la chorale et les musiciens sont membres à part entière, transformera une juxtaposition d’individus en corps du Christ. La chorale, en intervenant avec justesse, portera par sa voix la prière de tous, fera jouer le dialogue entre le soliste, l’organiste, le chœur et l’assemblée, montrant ainsi la diversité de l’Église, chacun s’enrichissant de la voix de l’autre.

Mais le chant et la musique ont encore un autre rôle : ils participent à l’annonce de Bonne Nouvelle parce qu’ils disent la foi. Bien sûr par l’impression dans la mémoire des mots chantés de la foi, mais aussi par l’ouverture du cœur au mystère de Dieu qui, seul, sait donner les vrais mots pour lui rendre grâce. Alors se pose un double défi assez redoutable. D’abord ouvrir au mystère de Dieu, parce que Dieu se révèle dans la rencontre que la liturgie met en œuvre. Mais il ne se révèle ni dans le fracas des orages, ni dans la violence de la tempête, ni dans l’accumulation des décibels. Dieu se donne à connaître dans la brise légère, c’est-à-dire dans ce qui conduit au silence intérieur. C’est à ce silence-là que doivent conduire le chant et la musique, et pas seulement à une émotion artistique si belle soit elle. Ensuite, il ne s’agit pas de chanter pendant la liturgie, mais de chanter la liturgie, les mots qu’elle nous donne et qui sont le plus souvent des mots de l’Écriture, les attitudes spirituelles qu’elle nous invite à prendre. Les enjeux sont alors le contenu des chants et le choix de la musique qui le porte avec justesse.

Chanter, jouer des instruments, entretenir des orgues, tout cela ne saurait tenir de la lubie esthétique. Le chant et la musique ont pour but de conduire à la rencontre avec Dieu pour que la foi se nourrisse de cette rencontre. Les considérer comme des ornements que l’on choisit en fonction de l’émotion qu’ils provoquent rendraient les chrétiens infirmes dans leur relation à Dieu. Leur donner une juste place conduira l’assemblée à la prière, mais à une condition : que les musiciens et chanteurs soient d’abord des priants, désireux de rencontrer leur Seigneur.

Serge Kerrien
Revenir en haut