Lexique de Pâques Enregistrer au format PDF

Jeudi 18 avril 2019 — Dernier ajout vendredi 22 mars 2019
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Le vocabulaire biblique est parfois compliqué et mérite que l’on prenne un peu de temps pour mieux le comprendre. Un petit Lexique de Pâques vous est distribué ; il présente huit mots pour dire la Résurrection.

Nous l’avons emprunté au Père Jacques Nieuviarts, conseiller éditorial de la revue Prions en Église (avril 2015). Les nombreuses références bibliques insérées dans le texte permettent d’une part de se familiariser avec les sens de certains mots, et d’autre part de mesurer les écarts entre les traductions de la bible.

Jean Besnier

Les mots pour dire la Résurrection

Comment parler de la Résurrection ?
Quels mots utiliser pour signifier cette réalité qui nous dépasse et, pourtant, qui nous touche ?

Mourir

Affirmer la Résurrection, c’est d’abord prendre acte sans détour de la mort de Jésus, une mort brutale, même, qu’affirme le Credo. L’Ancien Testament utilise des mots simples pour parler de la mort, par exemple : « Se coucher avec ses pères. » À la mort, le corps rejoint « la poussière » ou le « Shéol », lieu de silence au creux de la terre.

Aucune vision de tourment, seulement le silence infini (Ps 113 B [115], 17). Mourir « comblé » ou « rassasié » de jours est signe de bénédiction. Mais des justes meurent, emportés par la violence !

Aussi, peu à peu, vers le IIe siècle avant Jésus Christ, apparaît en Israël la conviction de la résurrection. Tous n’y adhèrent pas. C’est la résurrection de Jésus qui a entraîné les disciples à affirmer avec force, et même à entrevoir plus vivement que la mort du juste, peut porter un fruit de vie pour tous (Is 53). Jésus, annonçant sa Passion, affirme qu’il doit souffrir et « être tué », car Jérusalem « tue » et « lapide » les prophètes (Lc 13, 34). C’est le terme grec évoquant une mort violente qu’utilise Jésus pour parler de sa mort, tandis qu’il en est un autre plus commun, pour dire seulement « mourir », comme l’arbre meurt.

Se lever

« Talitha koum ! » « Jeune fille, lève-toi ! » dit Jésus à la fille de Jaïre (Mc 5, 41), qu’il « éveille » ou « fait se lever » de la mort.
Et ces mots, dits en araméen – la langue de Jésus -, ont été gardés comme tels dans l’évangile de Marc, pourtant écrit en grec. Jésus « fait se lever » (en grec : anisthémi, qui a donné le mot anasthasis : résurrection).

Il est un second terme dans la Bible pour dire la résurrection : « s’éveiller » (en grec : egeiro, mot qui signifie également « se lever »).
Il figure dans toutes les professions de foi des disciples, lorsqu’ils affirment que Jésus est ressuscité d’entre les morts (Lc 24, 34 ; Ac 3, 15). C’est le mot que Jésus utilise lorsqu’il dit à une personne accablée : « (Re)lève-toi ! » et que les disciples eux-mêmes utiliseront pour guérir en son nom.

Ainsi, chaque fois que les évangiles utilisent le verbe « se lever », c’est pour laisser entendre, comme en filigrane, que la résurrection de Jésus est déjà à l’œuvre.

Le corps

Le corps (sôma en grec) est cet ensemble de chair et d’os qui nous constitue et à travers lequel nous sommes en relation avec les autres et avec le monde. Ce corps est friable et connaîtra la mort. Mais aussi, affirme la foi chrétienne, la Résurrection. Lorsque Jésus partage le pain et la coupe avec ses disciples, la veille de sa mort, il leur dit : « Ceci est mon corps » (Mt 26, 26). C’est sa vie, c’est tout lui-même qui est donné.

Et des femmes venues de Galilée seront présentes au pied de la Croix, présentes aussi lors de son ensevelissement. Lorsqu’elles reviennent au tombeau, le matin de Pâques, elles découvrent la pierre roulée et ne trouvent pas « le corps du Seigneur Jésus ». L’ange leur dit qu’il est ressuscité des morts (Lc 23, 55 – 24, 3). Elles-mêmes, puis les disciples, le rencontreront : non pas un esprit, mais véritablement présent en son corps ressuscité.

Thomas en sait quelque chose, lui qui mit sa main là où les clous avaient transpercé les mains de Jésus et où la lance avait percé son côté (Jn 20, 25-27).

Le cœur de la foi chrétienne est là : la vie de Jésus donnée pour tous, sa mort sur la Croix, son corps mis au tombeau et sa Résurrection, attestée par les témoins qui l’ont rencontré, qui l’ont vu.

De grand matin

« De grand matin, le premier jour de la semaine », etc. Ainsi commence le récit de la Résurrection. Jésus a été mis en croix et il est mort la veille du sabbat (Mc 15, 42), ce vendredi que nous appelons « saint ». Le jour du sabbat, la Loi prescrit de ne réaliser aucune activité, aucun travail.

Les femmes se rendent donc au tombeau le lendemain, « de grand matin, le premier jour de la semaine » (Mc 16, 2), empressées, dans leur affection, d’aller poser les gestes du respect et « embaumer le corps » de Jésus. En grec, le terme traduit par « de grand matin », désigne non pas la matinée, mais la fin de la nuit, entre 3 et 6 heures, quand le jour commence tout juste à poindre.

Cet entre-deux où la nuit laisse place au jour. Le récit de Marc, plus que les autres, insiste sur la nouveauté radicale du jour qui se lève : « premier jour », « grand matin ». C’est donc une nouvelle création qui est évoquée ici, comme au premier jour où le Créateur sépara la lumière des ténèbres (Gn 1).

Avec la Résurrection, le dimanche devient le « huitième jour » des temps nouveaux.

Reconnaître

L’apôtre Thomas demande à voir les signes de la Passion sur le corps de Jésus lorsqu’il le rencontre vivant, à la Résurrection (Jn 20, 25). Discrètement, l’évangéliste Jean rappelle que la passion et la résurrection de Jésus sont inséparables. L’apôtre Pierre l’affirme aussi, le jour de la Pentecôte : « Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié » (Ac 2, 36). J ésus est mort sur la croix et notre compréhension de Dieu est transformée par cet événement. Car c’est ce « Jésus crucifié que Dieu a ressuscité d’entre les morts, rappelle saint Paul (1 Co 15). Ainsi, les disciples ont dû apprendre à reconnaître Jésus après sa résurrection, à la fois le même et tout autre. Et ils le « reconnurent » à Emmaüs, à la fraction du pain (Lc 24, 31).

Voir et croire On pense souvent que l’idéal de la foi est de « croire sans avoir vu. L’évangile de Jean insiste cependant sur les « signes » qu’opère Jésus. Un mot qu’il préfère à celui de « miracles », car les « signes » révèlent profondément qui est Jésus. Ils invitent à croire. À la résurrection de Jésus, le « disciple que Jésus aimait » court avec Pierre jusqu’au tombeau, qui est vide, les linges sont « posés à plat ». Jean dit alors sobrement : « Il vit, et il crut » (Jn 20, 8). L’apôtre Thomas, lui, demande à voir sur le corps de Jésus les marques de la Passion. « Parce que tu m’as vu, tu crois, dit Jésus. Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29). C’est notre cas ! Nous croyons sur parole, sur le témoignage des disciples, mais sans avoir vu. Chez Jean, l’Évangile rapporte les « signes que Jésus a faits en présence des disciples […] pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu » (Jn 20, 30-31).

Témoigner Le témoignage tient une place essentielle dans la foi. Celui qui croit devient témoin, mais il croit aussi grâce à la parole des témoins dont la source est Jésus lui-même : il est « le témoin fidèle », dit le livre de l’Apocalypse (Ap 1, 5. 3, 14). L’évangéliste Jean insiste : Jésus est le témoin par excellence de « la vérité » (Jn 18, 37). Il témoigne de ce qu’il a « vu et entendu » auprès du Père (Jn 3, 11. 32). Au cœur du croyant, l’Esprit rend témoignage à Jésus (Jn 15, 26), ainsi les disciples seront témoins (Jn 21, 24 ; cf. Ac 1). Jean Baptiste ouvre lumineusement cette voie, dès le début de l’Évangile (Jn 1, 19-37). Puis il s’efface devant celui qu’il annonce. « Tout ce que Jean a dit de celui-ci était vrai », affirme sobrement l’évangéliste (Jn 10, 41). L’Évangile est ce « témoignage ». Dès ses premiers mots, Jean le disait : « Le Verbe s’est fait chair et a demeuré parmi nous » (Jn 1). L’Évangile déploie cette révélation, appelée à se poursuivre dans la vie des disciples. (Jn 20, 30-31).

Ciel « Il était emporté au ciel » dit Luc à la fin de son évangile en parlant de l’Ascension du Christ (Lc 24, 51). L’esprit moderne et de nombreux peintres regardent les nuages et la stratosphère comme ce lieu où Jésus est emporté dans la Bible, la Terre est comme une galette posée sur la mer, et celle-ci est vue comme le lieu des démons et des forces du mal. Au-dessus, comme un arc, est tendue la voûte céleste, à laquelle sont accrochés les astres comme des luminaires. Sous la terre, le Shéol, le séjour des morts, lieu du silence. Il est donc évident que Dieu habite le haut, c’est-à-dire le « ciel ». Ainsi, l’Ascension ne parle pas de géographie dans l’espace, elle dit l’identité de Jésus : il vient de Dieu. « Emporté au ciel », il retourne vers le Père (cf. Ph.2), qu’il nous a appris à prier comme le « Père qui es[t] aux cieux » (Mt 6, 9) C’est pourquoi la montagne est également un lieu important dans la Bible : puisque ciel et terre s’y rejoignent, elle est par excellence lieu de manifestation de Dieu et de révélation, lieu de la rencontre de Dieu.

Père Jacques Nieuviarts,
Conseiller éditorial de Prions en Église,
Assomptionniste
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